Burn-out, mal-être, perte de considération…Parmi les causes qui produisent tout ou partie de ces effets : une relation patient-médecin qui perd progressivement en intimité, en humanité et en efficacité. Etat des lieux et solutions : la rédaction de MadeForMed fait le point et s’engage.
Oui, la provenance des patients a une incidence directe sur la relation qu’ils entretiennent avec leur médecin. Le patient de 11h00, inconnu au bataillon, débarqué dans un cabinet après un clic opportuniste sur une plateforme de prise de rendez-vous n’a rien à voir avec celui de 11h30 dont le médecin soigne la famille depuis quinze belles et instructives années. Le premier apprécie l’emplacement privilégié du praticien (à moins de 500 mètres de son lieu de travail). Le second loue sa capacité d’anticipation, son exercice personnalisé de la médecine et sa connaissance parfaite de sa filiation passée, présente…voire à venir.
Les choix organisationnels du médecin ont un impact direct sur la physionomie de sa relation avec ses patients, c’est indéniable. Recourir à une plate-forme de rendez-vous draine des patients court-termistes, consultant pour des motifs souvent peu captivants, et dont le temps de consultation bat des records de faiblesse. Un phénomène qui agit directement sur l’épuisement professionnel des praticiens libéraux.
C’est le constat du Professeur Truchot(1), psychologue spécialiste du burn-out : « plus les consultations sont brèves, plus le degré de dépersonnalisation est important ».
Le praticien endosse alors le rôle de prestataire de santé auprès d’une population exigeante, consommatrice, arrivant au cabinet avec un diagnostic préétabli. La mise en place d’un lien pérenne avec cette typologie de patients n’est pas envisageable. Pour le médecin, cette relation est dévalorisante voire stressante. Pour le patient, elle est risquée : en papillonnant d’un généraliste à l’autre, il se prive d’un suivi médical de qualité, primordial dans la prise en charge d’une future pathologie sérieuse. Comment, alors, préserver la relation patient-médecin ? Des solutions existent. Démonstration.
Patient ignorant. Médecin, unique sachant. La vision est paternaliste. Le concept est obsolète. Le patient ne veut plus être traité en objet. Il veut être acteur de sa santé. Pour préserver le sel de sa mission et redonner de l’aura à sa profession, le médecin doit soigner, mais aussi informer. Exit donc, l’asymétrie de la communication allant, de façon descendante et autoritaire, du praticien vers le consultant. Sous l’impulsion des évolutions sociétales et de l’accès facilité à l’information, le médecin doit éduquer, responsabiliser le patient et le faire participer activement à toute prise de décision relative à sa santé. Prévention, adoption de comportements vertueux, automédication, compréhension d’une maladie chronique : le champ des possibles est vaste. Cette éducation peut s’opérer de façon individuelle ou collective. Un collège de médecins, ou encore le regroupement des généralistes d’un même cabinet de soins pourrait la dispenser. L’essentiel : qu’elle soit documentée, complète et adaptée précisément à la typologie de patients concernée.
Les 4 formes de relation patient-médecin selon les travaux de Linda L Emanuel |
Rédiger une ordonnance de renouvellement de pilule contraceptive sur un coin de table, à la fin d’une consultation, est le lot de 95% des généralistes. Pour le médecin, la frustration est palpable. Pour la patiente, ce sujet, intime, et non dénué de risques pour sa santé, devrait faire l’objet d’une consultation à part entière. Diffuser un simple message d’éducation à la contraception après la prise de rendez-vous peut être un moyen d’éveiller les consciences et de rendre les patientes actrices du choix de leur méthode contraceptive. C’est aussi une façon d’enrichir le quotidien du praticien et de construire une relation solide, durable et utile tout au long du parcours de soin de ses patients.
10 millions : c’est le nombre d’abonnés à Yuka, application mobile aidant les consommateurs à mieux manger. Cet engouement récent pour cette catégorie de service illustre la volonté des Français de maîtriser l’impact de l’alimentation sur leur santé. Le généraliste peut aussi être acteur de cette tendance de fond. Organiser des séances collectives d’éducation à une bonne alimentation peut être une façon d’y prendre part. Orienter les patients vers un site, une application mobile ou mettre à disposition, sur un espace partagé, une simple documentation bien renseignée en sont d’autres. Ces quelques clés proposées aux patients pour les autonomiser sont aussi un moyen simple pour le praticien d’exercer l’une de ses plus nobles et gratifiantes missions : la prévention.
Le bénéfice de l’éducation des patients est moral, certes. Il serait logique qu’il soit financier, également. Eduquer demande du temps au praticien, qui en manque cruellement. A l’instar de l’avocat qui facture les recherches préalables à l’instruction d’un dossier, le médecin devrait, lui aussi, être rémunéré pour le temps passé à cette activité de conseil. Forfait, facturation en sus du prix de la consultation ou augmentation généralisée de celui-ci : les possibilités sont multiples et indispensables à une revalorisation de la profession aux yeux des praticiens, et de leurs patients.
14h28. Le 18ème patient du jour franchit la porte du cabinet. Il se plaint de maux de tête réguliers, d’insomnies récurrentes. L’examen clinique ne révèle rien. Après moult hésitations, il entame une timide confession sur le mal-être qui le ronge en ce moment. Dddrrrriinnnnnng. L’aîné Roquincourt a des maux de ventre persistants. Il doit impérativement consulter dans la journée. Rendez-vous pris « entre deux » à 18h15. Reprise des douloureuses confessions. Dddrrrriinnnnnng. Monsieur Renard a égaré son ordonnance. Quand doit-il avaler ses « pilules rouges » ? Le mystère est entier. La situation n’est pas simplement cocasse. Elle est néfaste à la bonne conduite d’une consultation. Pire : elle porte atteinte à la qualité de la relation entre le médecin et ses malades.
Même si l’usage des plateformes digitales se répand, le secrétariat téléphonique reste l’outil de communication roi dans la prise de rendez-vous et le suivi des soins (seuls 6 %(2) des médecins utilisent le web comme moyen exclusif de prise de rendez-vous). Les interruptions téléphoniques en consultation demeurent, donc. Chronophages et intempestives, elles arrivent dans le trio de tête des éléments les plus stressants pour médecins et secrétaires. Les praticiens y consacrent plus de 7 heures par semaine et répondent, en moyenne, directement, à 15 appels chaque jour, d’une durée de 2 minutes environ(3). De quoi troubler la concentration du généraliste, mettre mal à l’aise le patient et créer défiance et incompréhension entre les deux protagonistes.
S'appuyer sur une standardiste virtuelle permet d’alléger le coût financier et moral de ces interruptions inopportunes. Le concept développé par MadeForMed est élémentaire : il s’agit de filtrer automatiquement les appels à la place d'un télésecrétariat.
Le médecin n’est sollicité que dans certains cas de figure qu’il aura définis lui-même en amont. Si un patient veut prendre un rendez-vous, il est redirigé vers le site internet du praticien. Résultat : 90% des consultations sont réservées sans son intervention, ni celui du télésecrétariat.
Pour une demande de contact non urgente, Alice la standardiste virtuelle indique que le généraliste est en consultation. Le patient peut, alors, laisser un message vocal. Grâce à ce système, 70% des demandes de contact sont différés. Le médecin reçoit sur sa messagerie la retranscription fidèle des messages de ses patients. Il peut y répondre par SMS, sans communiquer son numéro personnel.
L’impact sur le déroulement de la consultation est immédiat : le médecin se concentre exclusivement sur le récit de ses patients, en confiance pour expliquer les raisons de leur visite et décrire leurs symptômes.
La qualité originelle de la relation patient-médecin est menacée. Le constat est indéniable. Des solutions simples dans leur mise en œuvre existent toutefois pour la préserver. S’organiser rapidement, individuellement ou collectivement : le jeu en vaut la chandelle puisqu’il s’agit, « simplement », de préserver ce qui fait la beauté de l’exercice consciencieux et, par essence, altruiste de la médecine.
Références :
(1) Etude sur l’état de santé des médecins généralistes menée par l’association Soins aux Professionnels de Santé (SPS) et le Pr Didier Truchot, professeur de psychologie sociale du travail et de la santé à l’Université de Bourgogne Franche-Comté à Besançon, en partenariat avec Vidal – Décembre 2017
(2) Enquête URPS IDF - Mars 2019
(3) Enquête URPS médecins Ile-de-France menée auprès des médecins généralistes franciliens entre juin et novembre 2010, par questionnaire auto-administré, portant sur l’analyse de 3 734 appels téléphoniques reçus pendant les consultations.